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 comme en poésie

revue trimestrielle de poésie

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30 mai 2006 2 30 /05 /mai /2006 08:11

La cité en fête attendait ses poètes. Il en sortait de partout des grilles d'égout et de toutes les grilles en général, où ces cloportes de l'adjectif avaient vécu terrés en sous-terrain, remontant du métro par les aérations qui débouchaient sous les pieds des passants comme autant de chausse-trapes.  Largement aveugles au jour, lents à réadapter leurs pupilles à la nation orpheline, à distinguer un chat d'un chat, une artère passante d'un infarctus. Assommés par la lumière et cloués muets d'avoir soudain à parler pour le plus grand nombre. Sevrés de reptation avec de grands trous béants à force de s'être usés les parois abdominales sur les cailloux de l'ombre.

Il en sortait d'incertains dont les yeux avaient pris d'inquiétantes proportions et une fixité de miroir où le feuillage commençait à pousser. D'autres, environnés d'un halo nauséabond dû à quelques siècles de compromission et de mendicité. D'incestueux qui avaient eu des semblants de rapports, dessimili-contacts avec la grande famille. Des pervers, gonflés d'idées fausses sur l'amour et sur ce qu'il est possible d'en faire. Des maculés pour toute éternité dont les taches d'écailles avaient atteint les chromosomes et qui SAVAIENT que leur descendance auraient les mêmes. Des récidivistes qui tentait à tout salpêtre de se cacher dans la première cavité venue. Des masochistes qui hurlaient à la lune en se flagellant avec les loups de l'au-delà afin de réintégrer leur tanière de silence. Des demeurés de l'extase, avec le regard ouvert drôlement plus grand que de coutume les glandes lacrymales bloquées sur un trait rouge. Des déjà trop vieux, sans avoir rien donné qui promenaient par la main leur petite vieille et une allure d'absence frisant la calvitie. La foule anodine s'écartait, inquiète devant tant de misère et de délabrement, des haussements d'épaules saccadaient les sourires. Au hasard des ruelles, des rixes où les mots crachaient le sang, laissaient pour les choucas municipaux des CADAVRES EXQUIS. Les funèbres pompes éloignaient les curieux avec des miaulements de sirène qui empestaient la naphtaline. La cité en fête regorgeait de poètes. Les ruines, qui avaient remplacé les ruines, étaient couvertes de slogans, de professions de foi, de tracts, d'affiches, sans queue ni tête ou la tête à la place de la queue, les yeux à hauteur d'anus, un approximatif mic-mac de verbiage pour snobs invétérés. La foule anodine s'écartait. Jaugeant d'un regard superficiel le fatras, des pétitions circulèrent, elles reçurent nombre de signatures. Un temps de branle-bas et d'odeur d'acides empêtra les carrefours. Les responsables de la sécurité mirent en place publique des plans de premiers secours. On transfusa, perfusa, gratta, opéra, liquida physiquement et moralement, dans un souci de grande angoisse, puis on regroupa tout dans l'enceinte désaffectée et javélisée d'un stade promis à la pioche des démolisseurs.

         La foire aux poètes pouvait commencer. Ce ne fut, d'abord, que borborygmes boréaux, emphases, discours pompeux de cénacles, devant des gradins vides et des buvettes médusées n'ayant jamais rien vu de tel. Puis, l'un d'eux, qui n'avait rien d'autre à dire cria : « AU FEU! L'incendie arriva, prit par le travers en se pourlèchant les babines, deux tonnes de plaquettes à compte d'auteur, culbuta quelques poètes et poètesses dont les mœurs douteuses n'eurent pas trop à rougir, dévora d'un coup de langue un groupe constitué dont la dialectique était incandescemment inopérante, effaça plusieurs pompiers en écriture du menu à la carte, rassembla les énénergies de la cité qui eut peur et ne laissa en stade que le pyromane et ceux qui lui avaient procuré les allu- mettes, le white-spirit et la torche. Fort peu de monde au demeurant pour s'asseoir sur les brandons de la table rase. N'ayant rien à manger ils firent un méchoui, sur la cendre encore fumante, du dernier demeuré qui s'enfuyait en rampant vers la reconstruction d'une autre Babylone troglodyte.

Extrait de L'O.S des lettres de J.P Lesieur Gros textes éditeur.

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25 février 2006 6 25 /02 /février /2006 08:46

Il y a quelques années parurent  dans la revue TRAVERS les aventures de PETIT PLUS; J'en donne ici une suite

 

NOUVELLE de Jean-Pierre Lesieur

 

 

LE GRAND VOYAGE DE PETIT PLUS                  à Olga

 

 

 

Petit plus habitait un grand village du nord de la France. Il vivait dans un paysage ou les terrils dépassaient les toits des plus hautes maisons. On avait donné à ces maisons ou plutôt à ces pâtés de maisons le nom de corons sans qu'on sache bien d'où venait cette origine. Il travaillait dans les mines de rien d'où il extrayait à la sueur de son front des mots qu'il n'arrivait pas bien à revendre. Son labeur le prenait à plein temps aussi n'avait-il pas vu arriver la retraite. Un drôle de mot d'ailleurs pour qualifier un nouveau départ dans la vie alors qu'on penserait plutôt à une défaite de Napoléon ou à la débâcle qui se produisit lors de la dernière grande guerre entre la France et l'Allemagne. Donc, quand Petit plus se trouva en face du fait accompli il lui fallut bien se résigner à quitter ses mines de rien pour songer à prendre un repos bien mérité qu'il comptait transformer en nouvelle activité à plein temps.

Il n'était pas question qu'il restât dans son grand village parce que le propriétaire des mines rejetait impitoyablement ses employés et ses ouvriers dès qu'ils avaient atteint cet âge presque canonique où ils devaient quitter leur emploi.

Il mit donc toutes ces affaires dans une grande malle où son imprimerie Jean-Pierre tenait une place importante avec les quelques livres dits de chevet dont il ne se séparait jamais. Il chargea son bagage sur sa vieille pétrolette, une antique guimbarde qu'il avait construite de ses mains avec un châssis de C quatre des roues de mobylette et un vieux moteur de vespa qu'il avait récupéré dans une décharge publique.

Il n'oublia pas de prendre Zebane Fanfreluche son animal de compagnie en peluche qui tenait du zèbre, du lion, de l?âne, et d'une dizaine d'autres animaux dont on ne pouvait pas formellement reconnaître les caractéristiques. Ce curieux quadrupède était né dans un grand bac rond du magasin Le printemps rempli de soldes et qui était le seul à ne pas être sacrifié sur l'autel de la réduction. Cette circonstance avait tellement ému Petit plus qu'il n'avait pu résister à l'irrépressible envie d'en faire son compagnon des bons et mauvais jours.

Quand  il eut liquidé tout ce qui lui restait de son mobilier vers un magasin Emmaüs en pensant à plus pauvre que lui, car ce sont toujours les pauvres qui donnent aux pauvres sinon les autres ne deviendraient pas  riches, c'est bien connu, ils se mirent en route vers un destin qu?il ne connaissait pas bien mais qu'il avait situé vers le sud  de la France.

Pour un homme du nord, le sud c?est aussi vaste que la terre entière mais on doit lui reconnaître une qualité les os apprécient la chaleur. Il sentait confusément, que les siens, avec ces ans qui avaient déjà pris une partie de l'outrage du temps en auraient bien besoin. Il  eut donc le choix, car il ne voulait dépasser ni la Méditerranée ni les Pyrénées entre le sud de la France et le sud de la France c'est-à-dire entre le sud-est et le sud-ouest.

Il jeta donc une pièce en l'air qui retomba sur le côté face et il en conclut que c'était le sud-ouest qui devait avoir l'honneur d'accueillir son équipage. Je n'entrerai pas dans les détails pour vous dire pourquoi il avait mis le sud-ouest en face et le sud-est en pile, c'était comme ça.

S'embarquer de nos jours, sur une vieille guimbarde, sur les routes de France, c'est une aventure que je ne vous conseille pas pourtant Petit plus ne reculant devant aucune difficulté pris la route un beau matin de mars car le printemps, pas le magasin mais l'autre, lui avait titillé la fibre de corsaire de la route qui l'habitait encore. Il évitait soigneusement les autoroutes qui eux ne l'évitaient pas ce qui le contraignit à faire moult  détours afin de trouver la route adéquate qui les enjambait ou qui glissait en dessous comme une taupe intelligente. Il eut aussi à faire face, si l'on peut dire, car il détalait dès qu'il apercevait le moindre képi à la maréchaussée. Ce n'est pas peu dire, de signaler qu'il n'est pas simple, pour un pauvre retraité, à la recherche d'un nouveau lieu pour sa  retraite de partir dans les conditions dans lesquelles petit plus s'était engagé. Il finit par ne plus pouvoir circuler que sur les sentiers, à travers champs, dans les forêts, contournant les zones humides et les marécages, et cherchant un bac pour traverser les fleuves et rivières.

Cette manière de voyager lui rappela que Stevenson avait effectué le même voyage avec un âne, ce qui lui mit du baume au coeur et l'encouragea à supporter toutes ces tracasseries qui en fait n'en étaient pas car nous ne savons plus guère voyager de nos jours où il faut aller à toute vitesse d'un point à un autre.

Cela lui permit de rencontrer des paysages magnifiques, des animaux extraordinaires, une flore luxuriante dont on n?a plus l'idée et de profiter des mille choses qui nous sont données par une nature à laquelle nous avons tout pris sans rien lui rendre.

Il passa donc de merveilleuses nuits dites à la belle étoile qui portait bien son nom. C'était un enchantement au point qu'il attendait avec impatience le coucher du soleil. Dès que celui-ci commençait à décliner sur l'horizon il se mettait en recherche d'un lieu adéquat si possible à l'abri des regards indiscrets, des gendarmes, et de ceux qui pourraient lui vouloir du mal. C'était parfois, une vieille cabane de berger, une grotte, un taillis touffu, une meule de foin ou une vieille grange et, merveilleux délices  une étable de plein champ dans laquelle ruminaient encore quelques brebis égarées. Il aimait, celles qui s'écartaient du troupeau, celles qui n'acceptaient pas, celles qui disaient jamais, celle qui voulait toujours avoir le temps de réfléchir, de ne pas se laisser faire bêtes bêtement enfin toutes celles pour qui la norme était trop énorme pour être honnête.

Quand on part ainsi à l?aventure, après avoir fait le vide de tout, on a l?impression d?entrer de plain pied dans un autre monde, un monde différent, un monde de pionniers et dans le cas de Petit plus un monde dans lequel il n?y avait rien à construire, rien à attendre tout à découvrir.

Après avoir bourlingué dans le ventre de la France il arriva dans un paysage qui n?était fait que de cépages, de raisins, de vignes et de châteaux. Qui n?a jamais rêvé de vivre dans un tel pays ? une immense contrée dont chaque maison s?appelle château : Château Ozone, château Cheval blanc, château Margaux, que des noms à faire rêver le moins poète des poètes.  Tout autour de ces châteaux on ne voyait pas grand monde, surtout des chiens qui vous dissuadaient efficacement d?aller rôder par là. Ce n?était pas un lieu des plus accueillants pourtant il y fit une rencontre qui bouleversa sa vie et lui fit faire une halte plus longue que ce qu?il aurait pu prévoir.

Une nuit, où il s?était endormi entre deux rangées de vignes, dans une cabane dont se servaient les bordiers il y eut un effroyable orage, avec des éclairs dans tous les sens qui illuminaient d?artifice les raisins alentours, lorsque soudain il entendit frapper à la porte qu?il avait fermée. Un coup discret, puis un autre puis une voix féminine mélodieuse qui lui cria ; « ouvrez, s?il vous plait ! ouvrez ! » il s?extirpa de son sommeil poussa le vantail et vit dans l?encadrement à la lueur des éclairs une forme de femme engoncée dans un ciré immense et jaune

-         dites donc monsieur que faites vous dans notre cabane ?

-         vu le temps je me suis mis à l?abri, comme vous

-         vous êtes sur une propriété privée ici

-         vous habitez là ?

-         oui et nous n?aimons pas beaucoup les vagabonds dans le coin

-         je ne suis pas un vagabond, je suis Petit plus et je vais dans le sud pour vivre au soleil de ma poésie. A ce mot de poésie la voix de la dame se radoucit      

-         vous êtes poète ?

-         oui, C?était bien la première fois que la poésie lui servait de laisser passer pour quelque chose.

-         J?adore la poésie, vous écrivez des vers

-         Ne restez pas sur le seuil, entrez vous n?avez rien à craindre de moi, oui j?ai écrit des vers mais il y a longtemps que j?ai arrêté, pourtant.

-         Pourtant quoi

-         Il y a des moments comme ça où on voudrait écrire encore. Il la dévisagea avec attention malgré la pénombre. Elle n?était plus toute jeune une bonne cinquantaine mais encore mince, élancée et avec des yeux dont il devinait la couleur plus qu?il ne la voyait, noisette. Son  côté écureuil qu?il avait longtemps dissimulé lui démangea l?orteil droit comme quand il ressentait une grande émotion.

-         Vous n?allez pas rester là pour la nuit venez au château nous avons une chambre d?ami vous y serez plus confortablement installé.

 

 

 

Le propre d?un  orage c?est de ne pas durer longtemps. Peu à peu les éclairs diminuèrent d?intensité le bruit alla décrescendo et il purent sortir de la cabane. Il ne se demanda pas que faisait cette femme en pleine nuit dans les vignes ni pourquoi elle lui avait proposé de venir dormir au château. Il la suivit.

La bâtisse dans laquelle il pénétra n?avait rien d?un palace, ni d?un palais, c?était une grande maison de maître à la mode girondine en pierre blanche du pays qui surgissait parmi les vignes comme un paquebot au dessus de la mer.  Il n?était pas au bout de ses surprises.

La dame qu?il contemplait maintenant dans l?entrée était plutôt jolie, des seins bien dessinés et assez charnus, une bouche lippue, un corps bien dessiné et une moue boudeuse qui lorsqu?elle parlait riait en laissant passer une pointe d?accent qui chantait en parlant. Il avait laissé son véhicule près de la cabane en espérant que personne ne lui déroberait. Depuis son départ il n?avait pas couché dans un lit et il eut peur de ne pas trouver le sommeil.

-         je peux dormir dans l?entrée, proposa-t-il

-         pas question je vous prépare la chambre

-         vous vivez seule ici

-         non avec les ouvriers et mes parents, mon mari est en voyage d?affaires, vous n?y serez pas dérangé.

-         Merci, c?est trop.

Il passa une drôle de nuit. A peine commençait-il à trouver le sommeil qu?on gratta à la porte. Tout d?abord il crut que c?était un chien ou un chat qui voulait entrer et n?y prêta pas attention. Comme le grattage se faisait plus insistant il se leva ouvrit la porte et trouva son hôtesse derrière en petite nuisette et un gros livre sur le bras.

-         tenez, dit-elle c?est un livre que nous avons dans la famille depuis plus de deux cent ans, lisez le nous en parlerons demain matin. Elle le lui tendit.

 

 

 

C?était en effet un superbe livre comme il en avait vu pendant son enfance aux distributions de prix, avec des dorures partout et des illustrations en gravures qui rehaussaient bien le texte. L?idée d?avoir à lire tout ce livre là en pleine lui ne l?enchanta guère au premier abord. Il avait été interrompu dans son sommeil, déjà, de plus il devait reprendre la route demain car il ne se voyait pas rester ici plus d?une nuit. Quand il referma la porte il l?entraperçut dans le couloir se dirigeant vers sa chambre laissant une traînée de parfum qui vint lui caresser agréablement les narines. Pas mal la dame pensa-t-il, car on a beau être retraité on n?en demeure pas moins homme.

Pourtant dès qu?il retourna vers le lit il se sentit irrésistiblement attiré par ce gros volume dont il put déchiffrer le titre en lettres gothiques : Les aventures de la princesse Saudade et du prince parfait. Il trouva que Saudade était un joli nom mais appeler un prince Parfait lui sembla du plus saugrenu.

Il se cala confortablement sur les oreillers se promettant de se réveiller plus tôt et d?en faire la lecture le lendemain matin mais malgré toutes ses tentatives il ne parvenait pas à s?endormir. Ce nom Saudade lui trottait dans la tête. Dans quel pays pourrait-on appeler une princesse d?un tel patronyme. Soudain il se souvint il avait déjà entendu ce mot dans un fado, ce chant que les portugais interprète avec nostalgie et qui vous fait pleurer l?âme en moins de temps qu?il en faut pour donner un baiser. C?était bien dans un fado qu?il l?avait entendu et il se rappela même qu?il y avait un rapport avec l?amour. Un  amour indéfinissable qui vous fait mourir de langueur. Il ouvrit la première page du livre?

Saudade une jeune princesse portugaise était mariée avec un coureur de jupons invétéré qui n?avait jamais assez de femmes dans son lit. C?était un seigneur cruel et querelleur qui avait pris femme parce que la religion lui en avait intimé l?ordre et que c?était la coutume. Une nuit arriva au château un jeune ménestrel qui n?était pas très beau mais avait beaucoup de charme et qui vous troussait le poème accompagné de son rebec comme pas un. Elle fut sous le charme. Il n?en fallut pas beaucoup pour qu?elle cédât aux sollicitations pressantes du jeune baladin d?autant que son seigneur était parti guerroyer dans quelques contrées lointaines de France pour on ne savait quelle dette d?honneur dont il se foutait comme de l?an quarante. Il lui apprit, ce que son mari n?avait jamais su faire, à prendre du plaisir et à entrevoir  l?amour physique autrement qu?en quatrième vitesse sur le coin d?un lit à baldaquin. En un mot comme en cent il fit d?elle une vraie femme et ce fut une révélation. Elle lui en voua une reconnaissance éternelle.

Le seigneur revenu le damoiseau dut décamper pour continuer à promener sa poésie de château en château et Saudade se retrouva bien seule mais une nuit de folie elle lui avait avoué tu es mon prince parfait et prince Parfait il demeura dans les yeux dans la vie et dans le lit de la princesse qui était bien souvent déserté hélas.

Un jour elle reçut une missive lui donnant des nouvelles de son baladin poète qui  contenait toute une série de balades, de rondeaux  et de sonnets qu?il  avait écrits pour elle il y avait même un pantoum. A leur lecture elle pleura abondamment et se jura d?aller le retrouver même au bout du monde s?il le fallait?

Le livre se terminait ainsi et il ne put jamais savoir ce qui était advenu des amours de la princesse et du poète.

Il s?endormit  alors que le petit jour essayait de devenir grand et fit la plus belle grasse matinée qui lui fut donnée de sa vie. A son réveil il sentit une présence dans la chambre, une respiration inconnue et un peu oppressée.

-         je vous regardais dormi mon ami vous avez un sommeil d?enfant

-         oh je suis confus

-         ne vous excusez pas j?ai une propension à me glisser auprès des gens sans qu?ils s?en rendent compte, c?est mon côté voyeuse disons contemplatrice

-         quelle heure est il ?

-         deux heures de l?après-midi, les ouvriers sont dans les vignes et nous sommes seuls ici, désirez vous prendre une collation ?

-         oui je grignoterai bien quelque chose.

-         Je vous l?apporte.

 

 

 

Elle disparut prestement pour revenir avec un plateau confortablement garni qu?il s?empressa de déguster avec une certaine avidité.

Pendant qu?il se restaurait elle s?était assise au bord du lit, se contentant de le regarder manger. Sa jupe fendue laissait passer ses jambes croisées qui avaient un galbe superbe. Ses yeux à lui  ne pouvaient pas s?en détacher. Elle s?en rendit compte mais fit comme si elle n?avait rien vu. Son repas terminé elle reprit le plateau le posa sur le guéridon sous la fenêtre et revint s?asseoir au même endroit l?empêchant ainsi de se lever.

-         vous avez terminé la lecture de mon livre

-         oui, mais c?est curieux il ne se termine pas bien il semble même ne pas se terminer du tout

-         non dit-elle énigmatique il reste encore un chapitre à écrire

-         mais l?auteur doit être décédé depuis belle lurette

-         je vous ai dit qu?il était dans la famille depuis longtemps et c?est l?un ou l?une d?entre nous qui doit l?achever. Ceci lui parut pas bien difficile il suffisait d?écrire le chapitre manquant

-         pourquoi ne l?écrivez vous pas

-         pas si simple mon ami il faut également que l?histoire pour sa vraisemblance soit vécue par l?auteur.

 

 

 

Un long silence s?établit entre eux. Cette femme l?intriguait et il sentait qu?il ne lui était pas indifférent. Un homme sent ses choses là il lui prit la main qu?elle ne retira pas. Après tout ils étaient tous les deux majeurs, vaccinés, seuls dans une chambre de cette grande maison et il avait l?impression très agréable de connaître cette femme depuis très longtemps, d?avoir déjà été en relation avec elle de l?avoir attendue et désirée en vain. Un coup de foudre.

Ce qui devait arriver arriva ils se retrouvèrent allongés l?un contre l?autre pour une étreinte extraordinaire qui lui fit crier à elle lors du moment le plus délicieux : «  mon prince mon prince parfait? »

Il se leva s?habilla se doucha et descendit la rejoindre dans le salon où elle l?avait précédé. Rien sur ces traits ne laissait transpirer le moment merveilleux qu?ils venaient de passer pourtant un bizarre sourire flottait encore sur son visage plus épanoui que de coutume. Il voulut prendre congé mais elle l?interrompit

-         non, non je vous garde quelques jours, nous dirons que vous êtes un ami d?enfance

-         mais votre mari

-         il ne reviendra que dans le courant de la semaine prochaine, vous n?y voyez pas d?inconvénient

-         bon si vous y tenez.

 

 

 

Elle y tenait tellement qu?elle le convia à aller chercher sa guimbarde, son imprimerie Jean-Pierre et son Zébane fanfreluche pour lequel elle se prit d?une passion soudaine et qu?elle trouva beau comme un camion. Il les gara dans la cour de la propriété.

Petit plus sentait bien qu?il y avait anguille sous roche, comme on dit, mais il ne vit pas venir le coup.

Quelques jours plus tard, alors qu?ils avaient vécu des nuits et des jours de feu, d?une « torridité » dont vous ne pouvez avoir l?idée il se dessina le retour du mari et Petit plus n?avait pas envie de l?attendre dans la maison de la belle. Il craignait pour lui-même et puis cette situation de vaudeville ne se prêtait  bien à drame que dans le théâtre de boulevard. Il sentit qu?il était alors temps de s?en aller.

-         je viens avec toi lui dit-elle la veille du retour de l?autre.

 

 

 

Il s?attendait à tout sauf à ça. Tout d?abord il refusa lui montrant sa vie d?errance, sa voiture ni faite ni à faire la précarité de sa situation actuelle son âge plus canonique que le sien sa petite retraite de mineur de rien

-         j?ai de l?argent dit-elle en lui montrant sa carte bleue et un chéquier et joignant le geste  la parole elle attrapa une grande valise enfouit dedans un maximum d?affaires personnelles lui demanda de l?aider à la charger sur la guimbarde et les voilà partis tous les deux sur la route sans trop savoir ce qui  allait advenir.

Elle laissa un mot dans l?entrée sur la commode : « adieu je pars pour le sud vous donnerez des nouvelles bientôt. »

Elle embrassa ses parents qu?elle n?avait même pas mis dans la confidence.

Le voyage que Petit plus avait commencé tout seul se continuait donc à deux, c?est seulement peu à peu qu?il se rendit compte que mine de rien, comme on disait dans son village, elle était en train d?écrire le dernier chapitre du livre et lui en devenait un acteur à part entière.

Ils continuèrent donc d?aller à leur rythme obliquant plutôt vers le sud ouest dont ils traversèrent une immense forêt, la plus grande de France : les Landes.

Là ils n?eurent aucun mal à conduire la guimbarde par les routes forestières et les sentiers. Ils rencontrèrent des gemmeurs, des chevreuils une quantité incroyable d?écureuils, des oiseaux de toutes espèces, des lapins et des lièvres. Ils étaient arrivés, sans que leur incroyable attirance l?un vers l?autre n?ait cessé, à vivre en osmose avec la nature et avec eux-mêmes. Le calme de la forêt les airials désaffectés qu?ils découvraient au hasard et où ils se cachaient pour des nuits merveilleuses les enivraient.

Ils mirent plus d?un mois à traverser ce pays enchanteur lorsqu?ils parvinrent à la fin de la forêt et débouchèrent sur un lac, un étrange lac qui se vidait et se remplissait à horaire régulier, comme les marées si bien qu?ils crurent être parvenus au bord de la mer. Elle leur sembla un peu petite parce qu?ils pouvaient apercevoir la rive d?en face ce qui n?est pas possible dans la mer. Ils résolurent d?en faire le tour et se rendirent compte qu?un canal prolongeait le plan d?eau et qu?au bout de ce canal c?était effectivement une grande immensité d?eau qui se prolongeait aussi loin que le regard pouvait porter.

Ils comprirent à la douceur et à la beauté de l?endroit qu?ils avaient atteints le but de leur voyage. Petit plus n?en croyait pas ses yeux. Même dans ces rêves les plus insensés il n?aurait pas pu croire qu?existait un lieu d?une telle beauté, d?une telle douceur, les gens qui habitaient là devaient tous être très beaux. Ils étaient arrivés à Hossegor.

Ils trouvèrent sur le bord du lac un bateau de pêche abandonné qu?ils occupèrent illico en faisant un lieu provisoire d?hébergement. Provisoire car bien vite les gendarmes leur firent comprendre qu?ils ne pouvaient pas rester là, ils se réfugièrent dans une petite maison qu?ils louèrent près d?un pont où avait vécu naguère un passeur que le pont avait contraint au chômage.

Ils auraient coulé de nombreux jours dans la plus douce des béatitudes si la vie et la légende ne s?étaient pas chargées de les rattraper.

Le mari, rentré de voyage avait trouvé le mot et craignant qu?il soit arrivé quelque chose de grave à son épouse avait fait lancer un avis de recherche ainsi conçu : Reviens,   te pardonne tu as écrit le dernier chapitre du livre?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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