Le Pilon est une revue de poésie que j'ai publiée de 1976 à 1983 soit 28 numéros entièrement confectionnés de mes blanches mains avec une ronéo et des casses de
caractères. Vous trouverez sur ce blog toutes les parutions et tout ce qui fut écrit à cette époque pour servir à qui de droit et à la postérité
Voici le numéro 1.
POURQUOI
LE PILON est une revue orientée, partiale, poétique qui prend parti selon ses humeurs, caprices, phobies, vapeurs lubies, rhumatismes, crises de foie et de papier, intérêts, idées idéologiques, idéaux. Il est composé et tiré â la main par Jean Pierre LESIEUR sur une presse à épreuves installée dans un coin de son F.4 logéco. C'est l'ultime solution laissée au POETE pour s'affranchir des magouilles, clans, groupes de pression, gueuses du fric et autres chapelles coopérativantes Tous ceux qui veulent l'aider d'une manière ou d'une autre sont les bienvenus mais qu'ils n'attendent rien en retour LE PILON ne sera pas soudoyable. Une large place sera faite à l'HUMOUR car dans la vaste rigolade dérisoire que devient notre civilisation il est temps d'exhiber le POETRIEUR - premier terme pilonesque - des gens de bon aloi qui ne savent plus à quelle loi se vouer pour survivre en POETE.
Le PILON est enfin la juste fin d'un commencement.
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Claude HELD
Nous pourrions marcher
maintenant comme
par une sorte d'oubli
de soi jusqu'à
la mort
avec
son fard ses faux
cils ses bas noirs sinon
nul besoin d'océan
disaient - ils
à
quoi bon l'océan ?
Nous avons divisé
l'eau en
autant de
parties distinctes et
chaque partie de l'eau fut
dite sauvage
et
chaque partie sauvage fut
donnée à comprendre nous
avons creusé
l'écorce et la feuille aujourd'hui.
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Jean Claude LEGROS.
Jean ZIMMERMAN. 28 / 9 / 75
" y a des mots mille mots des milliers
de MOTS
Je ne veux plus de ces mots là!
Que Vont me dire les mots?
Alors que je cherche tout
simplement
Ce que je SUIS
Ce que je
PENSE
Ce que je
SENS
Alors que je cherche avec angoisse
MA
VÉRITÉ
POURQUOI TANT ME CHERCHER
SUIS-JE VRAIMENT PERDU ?
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Tahar DJAOUT. TERRASSE. SÉNAC
toujours présent.
OH-OKA. Poète japonais né en 1931 traduit par
André VALDARCY
JE VIS (IKIRU)
Savent-ils les hommes
qu'il y a plusieurs couches dans l'eau?
Les poissons rouges nagent au fond
Et les algues dorées flottent à la
surface
Tout est baigné d'une lumière
variée
qui donne de la couleur
qui projette des ombres.
Sur les pavés je ramasse des perles.
Je vis dans la forêt des
fantômes
Au-dessus des notes de musique
dénouées du fil de mon coeur.
Je vis parmi les trous dans la neige fondue
Dans le marais matinal des mousses.
Je vis au-dessus de la carte du passé
et du futur.
J'ai oublié la couleur de mes yeux d'hier
Pourtant ce que mes yeux ont
vu
Mes doigts le savent bien
Ils touchent ce que je regarde
Comme on
caresse la peau des hêtres.
Ô je vis au-dessus des sens que le vent éparpille.
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Cette rouillure en moi
que
ravive le soleil
Odeur obsessionnelle
de la vague
sur mes yeux
Terrasse
où s'égrène interminablement
un rire tellurique
Rire de fille algérienne
( Regarde Jean
comme les soleils fusionnent
et comme la vague
orante
caresse les étriers )
Fêlures - élytres papillons
sur l'azur acrobate
Et épousant la mer
immense ta
barbe de blé
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N'est-ce qu'un jeu ?
VARIATION SUR COURANT
D'AIR.
Ai-je l'aire nécessaire
à la survie vagabonde des
aigles?
Ne catholiquez
pas
Ne protestez pas
Ayez l'EIRE neutre.
Retour d'âge à
passer
sans douleur
vers un quaternaire
qui n'en finit pas de vieillir.
Pauvre à
découper
à la hache
et suivant le pointillé
pour retrouver les époques
précédentes.
Séparation
abusive
de deux amies très cher
pour leur donner
un arrière-goût
financé
de la distance qui les sépare.
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Jean LE MAUVE. ÉCOLOGIE SOMMAIRE.
« Si des fois tu trouves un nid d'ramiers avec jeun' d'dans, les déniche pas tiôt » dit le vieux, «
déniche pas,»
j'en connais qui les prennent à peine gros comme mon poing! Même pas plumés! C'est-y pas un malheur! Bande ed cons. Au lieu de laisser faire la
nature.
Moi quand j'en trouve eune paire, j'prends, un bout d'fice1le. J'attache
un bout à la patt' ed l'un, l'aut' bout à la patt' ed l'aut',
L'père et la mère
continuent à les gaver sans savoir. Les p'tiots s'arrondissent tout en restant tend's.
L'jour ed l'envol j'peuvent pas partir. Soit'qu'i s'accrochent à eune branche, Soit'qu'i tombent par terre.
A point qu'i sont
C'est là qu'j'les récupère.
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PÈRE LAPIN.
Pas de doute, on s'était encore gouré en triant ces bons dieu de
lapins.
Sur les soi-disant trois femelles qu'on avait mises dans la même cage, une
avait fait ses petits pendant la nuit et une autre commençait à s'arracher du poil.
Il allait falloir retirer le mâle, dare-dare.
Comme je craignais d'effrayer
les mères qui abandonnent facilement leurs jeunes dans :ces moments-là, je décidai de les laisser tranquilles jusqu'au soir.
La nuit tombée. nous voilà dans le clapier ma femme et moi, à ausculter l'entrecuisse de nos lapins avec une
pile.
On trouve le mâle.
Je le tue.
Le lendemain dimanche on le mange rôti à la moutarde.
Un mois après jour pour
jour. L'une des femelles refaisait des jeunes.
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CHRONIQUES
LÉGIPILONITE
5 PROPOSITIONS A COLLER SOUS LE NEZ DU JUSTICIER QUAND VOUS L'AUREZ RECONNU
1 -Inventer le même langage pour tous les justiciables.
2 -Immédiater un pont avec machine à refouler aux 2 entrées pour permettre le passage seul de ceux qui ne se croient pas investis d'une « mission »
3 -Créer un haut commissariat à la morale atomique afin de promulguer une foi pour toute la déchéance des uniformes en uranium enrichi.
4 -fendre la foule d'une étrave super MAC CORMIK comice agricole avec d'un côté la herse-ivraie et de l'autre la grille BONGRAIN micro calibrée.
5 -Racheter son âme à l'ANGE EXTERMINATEUR devant la porte du supermarché paradisiaque où Saint Pierre est veilleur de nuit.
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Jean-Pierre LESIEUR / Le Pil'O S.
Pour une poésie du vécu quotidien.
Quand ils eurent achevé la charpente
Pour circonscrire le mauvais vent
Pour garder le béton de leurs poumons
Pour minimiser la lèpre des truelles
Pour contracter les vertiges croupis
des tours de 45 étages en lambeaux de
BABEL
pour éviter la géné-fluxion poitrinaire
D'UNE SEULE VOIX
Les bâtisseurs occidentalement
vingtième
siècle
des ferrocimenteuses cages
françaises
En plâtre
français
En briques
françaises
En poutres
françaises
En ciment LAFARGE
comme un seul coq hurlèrent
LA PUERTA ! ! !
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L'alcool, dans la petite maison-gorge, frotte l'épine
incisive, le four-molaire. La nuit
caresse l'alcool. La main offre l'alcool
à la langue. L'estomac souffle l'alcool.
DEMAIN, LA TETE
Parfois, être retenu par la manche, happé aux dents par d'étincelles d'êtres : traverser le temps avec aux
tempes autant de flûtes à bec que l'arc-en-ciel compte de linottes ou de contes; lutter du bout des lèvres : s'y collent le papier, la biture (sûre d'elle, sournoise, la fêlure attend
.)
Nous n'irons plus à la futaie! Les grives n'ont d'yeux pour le
cœur froid. S'enclavent les cyprès, les oronges, pendules écrasées. Au fait,
on donne aux mains des désirs
passés.
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ALBAREDE.
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DÉPART .
Y a-t-il un autre regard
Dans la maison des brumes rousses?
Ici la forêt tremble
Là-bas le ciel est cassé
Des éclipses travaillent l'arbre
Les barques viennent sous la main
Les noyaux embarquent
On recommence à réussir
L'ombre du doute
y a-t-il un autre silence
Au fard des feuilles refermées?
Ici la forêt se soulève
Là-bas le ciel s'arrondit
Chaque automne est controversé
NOUS REPARTONS TOUJOURS
POUR LE MËME DÉPART.
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VOIX VIVE à Tristan TZARA
L.es pommiers sont en feu autour des meubles
chauds
La nuit défend son crim
On tire dans les
murs
Qui sait parler du sang
Qui veut répondre de lui ?
Il faut se taire
et les distances
tomberont
avec les poutres et la forê
limpidité des murs où se
brisent
les ombres
Il faut dans le silence
entrer jusqu'aux vêlées
vociférantes
Passent les ordres de ce monde
Allons plus autre
Soyons fiers des foules indues
Que serait le goût de la pomme
Sans le
tremblement des anthères ?
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Didier· Michel BIDARD
DEUIL
Rôdeuse, elle s'attarde
Flâneuse, elle se montre
Coquette, elle se
poudre
Mourante, elle se lève
... et la Nuit porte le deuil de la Nuit.
SOURCE
La Nuit prend sa source au
pied
de
la
l
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t
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LE TEMPS PASSE COMME L'OMBRE. Pierre COLIN - J.Jacques DORIO
Célèbre, le funambule traversait d'une crête à l'autre cette vallée de larmes, en écrivant des odelettes sur son fil.
I1 avait deux passions : son chien Mendelssohn et les concerts de klakson. I1 s'abritait sous sa voix; elle lui servait de parasignes. Jamais elle ne prit le soleil. Elle était blanche comme une église.
Quand il fut mort, on fit appel aux terrassiers pour dégager son ombre, ensevelie sous des monticules de livres.
Tant et si bien ils piochèrent, qu'atteignant ses œuvres posthumes, ils eurent cette phrase inouïe :
« Elle est encore plus grande après sa MORT! »
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