Les cicatrices du poète
Les cicatrices du poète suintent plus longtemps que l’ère quaternaire tant la douleur de son ver tend à disparaître
Les cicatrices du poète sont coutures de mots qu’il faudra bien soigner à la lampe acétylène des égoutiers du verbe
Les cicatrices du poète s’arborent comme des trophées gagnés lors des batailles où s’affrontent les clans
Les cicatrices du poète laissent quelques épissures dans la mémoire du temps quand le temps les oublie
Les cicatrices du poète tatouent des corps bronzés à la lampe infra rouge que la gangrène guette à chaque carrefour
Les cicatrices du poète indiquent son âge légal dont la postérité se gave de sourdine pour ne pas effrayer les générations à venir
Les cicatrices du poète habillent ses blessures d’une jupe de douleur qui touche tous les sexes sans discernement des yeux
Les cicatrices du poète brisent le tabou ancré dans la croyance ovarienne qu’il ne prend jamais de risques
Les cicatrices du poète laissent des traces de vent sur toutes les pages blanches qui volent dans les automnes
Les cicatrices du poète se visitent chaque hiver quand il donne ses manteaux aux meurtris du poème
Les cicatrices du poète dressent des constats hypocritement apocryphes qu’on essaie de lire sur le dos des requins
Les cicatrices du poète dansent dans les yeux bourreaux qui les bichonnent sans mettre sur leurs plaies de baume cicatrisant
Les cicatrices du poète sont plus profondes au fer qui laissent des traces d’encre sur les bras des girouettes
Les cicatrices du poète ont la teinte des trous qui perforent sa vie quand les fusils crépitent comme des vigies de fer
Les cicatrices du poète recouvrent encore son corps de meurtrissures graves que la morale réprouve en toute humanité
Les cicatrices du poète déjouent les inventions de la langue commune qui les tient par les couilles en pleine félicité
Les cicatrices du poète relancent les enquêtes que le juge injecte dans la censure creuse d’un état policier
Les cicatrices du poète font comme un passeport qu’il présente aux frontières de ceux qui voudraient l’empêcher de mourir
Les cicatrices du poète sont autant de trophées comme sur les cheminées des chasseurs de prime à la gomme des mots
Les cicatrices du poète pullulent dans sa tête tant il a dû ramper pour ouvrir la serrure des marchands éditeurs
Les cicatrices du poète chantent comme rossignols qu’un printemps fait renaître dès les premiers accords
Les cicatrices du poète adoptent les formes des ballons dirigeables quand ils engrossent les rayons du soleil
Les cicatrices du poète ont toutes plus de mille ans à téter les collines des hanches en gésine de la mendicité
Les cicatrices du poète divisent en période sa vie de traîne misère même s’il croit dur comme fer les mendiantes de l’avenir
Les cicatrices du poète vivent en petits paquets dans la hotte des nains chargés de distribuer les étrennes des pauvres
Les cicatrices du poète prévoient leur avenir dans la furia des coups assénés par des sbires qu’une chiquenaude encense
Les cicatrices du poète toute truffes d’avant-garde pullulent dans les champs qu’aucune truie ne hante
Les cicatrices du poète enluminent son torse de montreur de rails qui vont en droite ligne le mener au bonheur.